En tant que chercheur, musicologue et pianiste, je suis toujours à l'affût d'idées, de créateurs, d'artistes, d'enregistrements intéressantes, ainsi que d'autres sources d'inspiration pour mon travail. En voici quelques unes.
Parmi les lectures que j'ai faites pour mon doctorat, ce livre a été particulièrement inspirant. À travers des entretiens avec une centaine de sujets, créateurs très performants dans divers domaines tels que la physique, la chimie, l'interprétation et la composition musicales, la littérature, l'économie et autres, le professeur Csikszentmihalyi tire des observations sur les caractéristiques des personnes créatives. Sa théorie sur le « flux » est essentielle pour décrire le type d'état mental que vivent ses sujets lorsqu'ils leur arrive d'avoir des percées ou des idées leur permettant de redéfinir un domaine. Ses sujets décrivent le « flux » comme une « expérience optimale » ou « le sentiment lorsque les choses allaient bien comme un état de conscience presque automatique, sans effort, mais très concentré » (p. 110).
Un autre des multiples concepts à retenir de ce travail, consiste en les neuf éléments du flow : 1) former des objectifs clairs à chaque étape, 2) avoir un retour immédiat sur ses actions, 3) trouver un équilibre optimal entre la tâche et les compétences, 4) la fusion des actions et de la conscience (ou "pleine conscience", la capacité d'être présent dans moment), 5) exclure les distractions de la conscience, 6) l'absence du souci de l'échec lors de l'exécution de la tâche, 7) la disparition de la conscience de soi, 8) la notion du temps déformée, et 9) l'activité qui devient une fin agréable en soi.
Les objectifs de l’article de Sylvain Caron, Caroline Traube et Erica Bisesi ont été de mettre en relation l’analyse musicale, l’interprétation et les outils informatiques à travers la comparaison du tempo dans sept interprétations d’un prélude de François Couperin.
En collaboration avec les étudiants en clavecin de Hank Knox de l’Université McGill, sept interprétations du premier prélude de Couperin (1716) ont été captées en format audio et MIDI sur un clavecin équipé de capteurs MIDI. Les données MIDI ont été extraites et traitées sur le logiciel Matlab et les données de tempo ont été présentées sur des graphiques de variations de tempo. Une analyse de la partition selon l’approche perceptuelle développée par Bisesi, Parncutt et Friberg (Bisesi and Parncutt 2011) a été mise en relation avec les représentations graphiques des interprétations afin de « mieux saisir de multiples manifestations de l’expression qui peuvent émaner des potentialités de l’œuvre » (p.1). Les auteurs ont d’abord réalisé une analyse de la partition selon l’approche par accents immanents développée par Parncutt, puis ils ont procédé à une analyse des interprétations.
Quelques considérations importantes ont informé leurs travaux : la notion du style d’un prélude provenant de Couperin lui-même (« le bon goût passe par un contrôle des variations de tempo qui reproduit le caractère libre d’un prélude improvisé » p.1) ; le concept de l’expressivité comme « une sorte de déformation » selon laquelle un interprète produit des variations dans le temps « à des degrés variables selon le genre et le style » (p.2) ; la notion de l’analyse par accents immanents qui permet de révéler l’émotion encodée dans la partition (p.2) selon les paramètres d’analyse : accents sur le plan métrique, du phrasé, de l’harmonie et du contour mélodique.
Finalement, les auteurs remarquent que certaines variations du tempo ne sont pas perceptibles à l’oreille :
De fait, pour être perceptible une variation de tempo doit comporter une différence comprise entre 5 % et 10 %, ce qui correspond à un cran métronomique. Or, les variations encerclées sont tellement faibles qu’elles sont imperceptibles : on perçoit un tempo stable même s’il y a des différences visuelles. (p.3)
En présentant les graphiques de variation temporelle en relation avec la partition, les auteurs ont pu constater des stratégies d’interprétations différentes, variant le tempo en fonction de certains des accents aux dépens d’autres, mais cohérentes en elles-mêmes. Un excellent exemple de la manière dont la musicologie, l’analyse et les outils numériques modernes peuvent aider à mieux comprendre l’interprétation musicale.
À suivre...
Enregistrements historiques
Recherches, publications, etc.